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Le Boudoir des Livres

Monnehay Max "corpus Christine"

22 Novembre 2007 , Rédigé par Sylvie Publié dans #Littérature contemporaine francophone

MAX MONNEHAY "Corpus Christine
 
Editions Albin Michel 226 pages

" Collez-moi le canon d'un magnum sur la tempe, je tremblerais moins. Enfermez-moi dans la chambre froide d'une morgue et laissez-moi vous dire que c'est du gâteau.
Ce que je vis devait peser dans les cent vingt kilos et transpirait à grosses gouttes une eau malodorante. Ce que je vis était énorme. C'était ma femme. "

Un homme vit en position horizontale, séquestré et affamé dans son propre appartement par sa femme. Il décrit son martyre, la longue horreur des jours passés à tenter d'attraper une bouchée de pain en rampant sur le ventre, à se suspendre à la poignée d'un placard pour se saisir d'un légume. Elle, obèse, l'affame à rythme contrôlé, distillant l'agonie, lui supprimant toute possibilité d'attenter à ses jours. Puis un jour, elle disparaît totalement et la haine qu'il ressentait, qui l'alimentait se mue en une docilité d'animal domestique à attendre sa pitance du Mac Do qu'elle lui apporte de temps à autre. Quand elle revient et change de stratégie pour réveiller en lui une cruauté assoupie, lui, le squelettique reprend goût à la vie par le seul sentiment qu'il lui reste, le désir de meurtre
Partition sadomasochiste  LIRE.FR

par Delphine Peras
Lire, septembre 2006

 A la suite d'un accident, un homme est torturé par sa femme.

C'est un manuscrit envoyé par la poste, un premier roman tellement dérangeant, extrême, plein d'humeurs et de sang, d'aigreur et de talent qu'il a été retenu aussi sec. En l'occurrence par Albin Michel, l'éditeur historique d'Amélie Nothomb - précision faite car il y a quelque chose d'assez manifestement «nothombien» dans Corpus Christine dont l'auteur, qui signe sous le pseudo androgyne de Max Monnehay, s'appelle Amélie de son vrai prénom... A part ça, difficile d'imaginer que cette jeune femme de 25 ans, jolie comme un cœur, l'air tout à fait ingénu, ait pu concevoir et écrire une histoire aussi machiavélique. A l'issue d'un mystérieux accident, son narrateur est en effet condamné à ramper dans son propre appartement où sa femme le séquestre depuis près de quatre ans, et l'affame à mesure qu'elle-même devient obèse. Lui ne pèse plus que 42 kilos et convoite la moindre miette avec une avidité de bête sauvage. Il traque aussi le moindre signe de sa geôlière qui l'évite aussi consciencieusement qu'elle le manipule. D'une véhémence à la mesure de son avilissement, cet homme menacé par la folie déverse sa bile contre celle qui lui impose ce calvaire, tout en se remémorant les jours heureux de leur idylle. Dieu sait s'il l'a aimée, et s'il l'aime encore malgré tout, sa Christine... Lequel domine l'autre, au fond? Chronique univoque d'une relation qui mêle amour et haine, désir sexuel et désir de meurtre, sarcasmes et regrets, ce long monologue joue parfaitement sa partition sadomasochiste et aussi sur les nerfs - clin d'œil à un art du zeugma indéniable. Dommage que les interpellations au lecteur, trop fréquentes, trop ostentatoires, plombent inutilement le propos. Pour le reste, on s'incline bien volontiers devant la maturité et le brio de Max Monnehay qui livre là une redoutable parabole du couple, dans ce qu'il a de pire.

 

Mon avis : j'ai adoré ce livre, cette histoire, très originale et surprenant au niveau de l'écriture et de la narration. Un excellent premier roman, en espérant que les prochains seront aussi originaux et captivant. Dommage qu'il y ait cette comparaison avec Amélie Nothomb parce que "Corpus Christine" est bien meilleur que les derniers Nothomb réunis.

Ma note5/5 

23 octobre 2006

INTERVIEW DE MAX MONNEHAY

 

INTERVIEW DE MAX MONNEHAY
Pleine de promesses

A chaque rentrée littéraire, il y a les petits nouveaux que l'on remarque, ceux qui attirent leurs premiers lecteurs et qui, mine de rien, arrivent à se faire entendre. Max Monnehay est de ceux-là, nous offrant un 'Corpus Christine' décapant et jouissif, particulièrement réussi. De là à lui promettre un avenir doré...

Un premier roman au sujet original : un homme rampant martyrisé et séquestré par sa femme obèse. Une écriture très travaillée, capable de vous tenir en haleine des dizaines de pages durant. Un style déjà bien affirmé, incisif et mordant, teinté d'humour et d'ironie. Et en plus, elle est jolie. Ca commence à faire beaucoup... Du coup, on craint la petite Parisienne prétentieuse et hautaine. Il n'en est rien : derrière ce prénom pas très féminin se cache une jeune fille souriante, agréable et très sympathique, heureuse d'être enfin lue et exigeante avec elle-même. Et sans doute aussi un brin déséquilibrée, vu ce qu'elle écrit...


On ne sait qu'une chose de vous : que vous avez 25 ans. Pourrait-on en savoir un peu plus, sur votre rapport à l'écriture notamment ?

J'ai toujours voulu écrire. J'ai commencé vers l'âge de douze ans, comme pas mal de monde, à écrire des petites pièces de théâtre ou ce genre de choses. J'ai pas mal de débuts de roman à mon actif, qui n'ont jamais dépassé la quarante ou cinquantième page. 'Corpus Christine' est véritablement le premier texte que je développe et termine.

Voir la critique de 'Corpus Christine'

Comment vous est venu le point de départ de ce roman ?

Quand j'ai commencé à écrire ce roman, cela faisait quelques mois, voire quelques années, que je n'avais rien écrit. L'écriture commençait à me manquer atrocement. Je me suis mise devant mon ordinateur, et, sans savoir pourquoi, j'ai eu cette image d'horizontalité. J'ai tout de suite pensé à raconter le calvaire d'un homme allongé. Je ne savais pas même pas encore ce que j'allais faire de cette position qui a priori n'est pas très facile à vivre. Ce point de départ me paraissait sortir de l'ordinaire et susceptible d'entraîner des situations intéressantes, des personnages originaux.


Vous mettez en scène deux personnages : un homme rampant maltraité et séquestré par sa femme obèse, les deux personnages étant liés par l'amour, la haine, voire le sadomasochisme. C'est votre image du couple ? Plutôt inquiétante...

Non, je vous rassure, cela ne reflète pas mon image du couple, sinon j'aurais des problèmes pour mes relations sentimentales (Rires). J'ai plutôt mis en scène l'absence totale de communication qui est, à mon avis, ce qui peut arriver de pire à un couple, et je l'ai poussée à l'extrême. Plus que ma vision du couple, c'est ma vision - exacerbée évidemment - des relations humaines. Dans toute relation il y a un dominant et un dominé, rapport qui peut s'inverser aussi vite qu'il s'est installé. Nous nous retrouvons tous, un jour ou l'autre, presque à quatre pattes devant quelqu'un - au sens propre ou au figuré. Ca fait partie des relations humaines depuis que l'homme est homme.

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Le roman joue d'ailleurs beaucoup sur la frontière floue entre amour et haine. Il se place entre les deux...

C'était une sorte de défi. On parle souvent de cette frontière très mince entre amour et haine, et j'ai eu envie de l'annihiler totalement. Ici finalement, amour et haine se fondent en un seul et unique sentiment. C'était plus intéressant, ça faisait ressortir des choses de l'Homme avec un grand H.


De par son sujet, le rapport des personnages, la crudité de certaines situations, votre ouvrage s'avère provocateur. C'était voulu ?

Honnêtement, je suis toujours surprise lorsque l'on évoque cela. Pour moi il n'y a pas de provocation, ce n'est que ma manière de penser, sans volonté réelle de choquer. Ce sont des choses que j'avais envie de dire, tout simplement. Après, qu'elles soient provocantes ou pas, à la limite cela ne me regarde plus, cela concerne le lecteur. Je pense que la provocation, quand elle est travaillée et qu'elle est voulue, n'a pas grand intérêt.


Tout au long du roman, le narrateur s'adresse frontalement au lecteur, l'interpelle, le secoue, le prend à témoin. Vous ne vouliez pas d'un lecteur passif ?

En tant que lectrice, j'adore être bousculée, que mes idées soient remuées, mises à mal. Donc en tant qu'écrivain, j'ai logiquement essayé de recréer cette relation. Avec 'Corpus Christine', j'ai voulu aller assez loin là-dedans en mettant le lecteur directement face à un discours direct, pour l'obliger à réagir. Il participe ainsi au roman.


Pour un premier roman, vous n'avez en tout cas pas choisi un sujet facile. Vous avez besoin de thèmes radicaux pour écrire ?

Je suis une grande fanatique des situations bizarres. Je suis persuadée que l'on ne peut trouver la vérité des personnages que dans des situations poussées à l'extrême. C'est dans ces moments que les caractères se révèlent. Une place plus grande est laissée aux psychologies, qui peuvent mieux surgir.


Vous allez continuer dans cette voix pour votre prochain livre ?

Je travaille depuis un bon moment sur mon deuxième roman, ça avance bien. De toute façon, il est hors de question de sortir un autre roman si je ne le juge pas meilleur que celui-ci. Pour ce qui est de l'histoire, ce ne sera pas du tout huis clos, mais je resterai sur des thèmes noirs : la mythomanie, la dépendance amoureuse, le meurtre, le sacrifice...


Toujours dans la gaieté...

Oui... Je crois que j'adore se faire rencontrer des extrêmes. Certes mon livre est noir, traite de thèmes noirs. Mais j'ai essayé d'insuffler là-dedans de l'humour, de la poésie, différentes composantes. Mon but ultime, en tant qu'écrivain, est de faire une oeuvre complète, qui soit le reflet du monde en ce qu'il est capable d'être à la fois bon et mauvais, drôle et terrible, etc. Mon objectif, c'est de réunir les pôles.


Vous parlez de l'humour, qui est effectivement une part importante de 'Corpus Christine'. Il est aussi lié à la jubilation que l'on sent dans votre écriture, jubilation qui déteint sur le lecteur. Vous avez pris tant de plaisir que ça à écrire ce roman ?

Ecrire, pour moi, c'est aussi jouissif que c'est déprimant et terrible. Il y a des moments d'intense bonheur, et d'autre de solitude et de page blanche assez terrifiants. L'écriture c'est la vie, il y a tout dedans, le meilleur comme le pire. C'est ce qui me plaît.


Vous voilà écrivain : un roman en librairie, des interviews, une première rentrée littéraire. Quelle est votre vision du monde littéraire, vous la petite nouvelle ?

C'est difficile à dire justement parce que pour l'instant c'est tout frais, je découvre. Ce qui me rassure, honnêtement, je ne dis pas pour faire de la publicité, mais c'est mon éditeur. Quand on a les gens d'Albin Michel derrière soi, qui ont peut-être plus confiance en moi que j'ai moi-même confiance en moi, qui font un travail incroyable, c'est rassurant. Je me sens très bien entourée. Hormis quelques écrivains, ce sont les seules personnes du monde littéraire que je connais. J'avais pourtant entendu dire qu'il se passait des choses pas très nettes dans le monde littéraire, mais pour l'instant ça se dément.


Pour finir, y a-t-il une question qu'on ne vous a pas encore posée et que vous auriez aimé entendre ?

Laissez-moi une minute pour y réfléchir... Si ! On ne m'a pas encore questionnée sur mes influences littéraires...


Alors ?

L'écrivain contemporain que j'adule vraiment, c'est Chuck Palahniuk. Lui c'est un dieu. Donc à mon avis, j'ai été fortement inspiré par cet homme. Sinon j'aime Henry Miller, Jean Cocteau, Fiodor Dostoïevski. C'est d'ailleurs étrange de remarquer que tous les écrivains que j'admire sont des hommes. C'est peut-être pour ça que mon personnage principal est un homme et qu'il le sera également dans mon prochain livre...


Propos recueillis par Mikaël Demets pour Evene.fr - Août 2006
http://www.evene.fr/livres/actualite/interview-max-monneh...

 

 

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